Les Alexiens ont choisi via cet article d’aborder un sujet tabou, un problème dont nous sommes tous conscients mais que nous n’abordons pas (un travers psychologique bien connu : si nous n’en parlons pas, le problème n’existe pas) : l’impact environnemental de nos objets connectés.
Quoi ? Un sujet sérieux et clivant chez les Alexiens ? Oui, mais rassurez-vous, toujours avec humour. Vous conviendrez que la situation n’est pas idyllique et que nous avons tous un impact sur l’environnement via notre vie quotidienne, plus ou moins important en fonction de notre mode vie, de consommation, de notre alimentation… mais aussi via notre utilisation d’internet et des appareils connectés.
Mais en quoi nos appareils connectés ont un impact sur l’environnement ? Principalement de deux façons : via la consommation électrique du processus dans sa globalité et via leur production / destruction. Vous doutez de l’impact énergétique ? Rien que les visionnages de vidéos olé-olé sur les sites de streaming principaux correspondent à 15 TWh sur un an. L’onanisme permet donc de faire l’équivalent de 1000 fois le tour de la terre en avion ! S’envoyer en l’air prend tout son sens.
Impact environnemental via la consommation énergétique
En quoi surfer sur la toile peut avoir un impact environnemental ? Tout simplement via le besoin en électricité pour faire fonctionner le tout. Votre PC ne fonctionne pas en pédalant, les serveurs des moteurs de recherche n’ont pas encore de pile à hydrogène pour les faire tourner… Et cette électricité a besoin d’être produite par diverses méthodes plus ou moins vertes (nucléaire, fioul, charbon ou celle dite propre mais qui ne le sont que chez les utilisateurs).
Vu la multitude de sources de production, l’unité de mesure utilisée est l’équivalent en émission carbone, faisant référence à la première source d’énergie utilisée, le pétrole. L’ADEME détermine 3 scopes d’émission de gaz à effet de serre (présenté en émissions carbone) : le 1 qui est la consommation directe, le 2 qui va concerner ceux issus à la consommation énergétique et le 3 qui va concerner les autres émissions indirectes. Pour Internet, nous sommes plutôt sur du scope 2, le 1 étant plutôt celle liées à la fabrication d’un produit et le 3 plus rattaché à son cycle de vie (transport, extraction des matières premières…).
On vous entend d’ici : « Ok mais hormis l’électricité de mon PC, de mon enceinte et de mes quelques appareils connectés à internet, qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans » ? Hé bien… pas mal de choses en fait. Voici un petit tour d’horizon de la façon dont l’internet a un impact environnemental pour que vous y voyez plus claire.
Internet dans sa globalité est à l’heure actuelle le 3ème émetteur de gaz à effet de serre après la Chine et les USA. C’est l’équivalent du secteur de l’aviation civile mondiale. Et ça représente quoi ? 608 000 000 t de C02 et une consommation électrique de plus de 1000 TWh soit plus de 40 centrales nucléaires dédiées à cela ! Et ces chiffres ne sont plus à jour car datant de 2016 et augmentant bien entendu avec le nombre d’utilisateurs d’internet (3 milliards en 2015 et 5 milliards attendus en 2025, source e-rse.net). A cela s’ajoute ajoute aussi une consommation d’eau non négligeable (pour la production de l’électricité, le refroidissement des structures…) de 8,7 milliards de m3 d’eau (source greenit.fr). Pour un utilisateur, actuellement, il est utilisé plus de 200 Kg de CO2, presque 3 m3 d’eau et 346 KWh sur un an. Soit 1000 Km en voiture ou encore l’eau nécessaire à une personne pour vivre 2,5 ans (niveau physiologique). Et pour Greenpeace, le trafic interne aura triplé entre 2017 et 2020.
Ça fait un peu immatériel en donnant des chiffres en gros, mais il faut savoir, selon E-RESE, qu’un courriel seul génère entre 0,3 et 4 g de CO2, voire 50 g s’il y a de grosses pièces jointes. Une recherche Google, c’est 0,02 g de C02… mais il y en a des millions tous les jours…
Alors oui, en tant qu’internaute, nous ne sommes pas responsables de toutes les émissions. L’ADEME estime que 28% des émissions viennent des réseaux et 25% des datacenters… Et les appareils connectés fonctionnent en hébergeant les données dans des datacenters justement. Cela veut dire qu’en tant qu’utilisateur, notre impact est plus important que l’internaute moyen qui fait des recherches sur un moteur, regarder des vidéos en streaming et se remonter le moral, mais pas seulement, sur des sites graveleux.
Pourquoi ? Car en plus de nos demandes à nos assistants qui peuvent être, peu ou prou, considérées comme des recherches, il va aussi s’enclencher un voyage de notre demande aux datas centers divers des fabricants, un traitement de la demande, une redescente de l’action à accomplir et sa réalisation chez nous. A cela va s’ajouter la sauvegarde de nos routines, scénario, données personnel… Et cela, que la demande émane de nous (comme allumer une lumière) ou en arrière-plan. Si votre réseau vous semble saturé alors vous avez de plus en plus d’appareils connectés, c’est aussi car ils communiquent individuellement. Et c’est sans compter les réseaux et serveurs qui hébergent aussi les sites sur lesquels nous allons…
A noter que presque 70% du trafic internet est dédié au streaming (vidéo pour la grande majorité des utilisations de données mais aussi audio comme nous le faisons avec nos abonnements illimités ou non à des services comme Deezer, Amazon Music…). A noter aussi que 50% de l’énergie utilisée par les datacenters servent à les… refroidir (et pas seulement ceux hébergeant des sites érotiques) !
« Alors oui, OK, mais je peux y faire quoi moi ? Franchement, je ne vois pas de solution, je ne vais pas aller éteindre la lumière de tous les datacenters du monde… ». Oui, c’est vrai. Ce problème est difficilement solvable et le but de cet article n’est pas de vous de taper sur les doigts. Nous sommes tous dans le même bateau et faisons tous les mêmes choses avec nos appareils connectés. Il est bien sûr possible de limiter les connexions des appareils ne servant que très peu (une caméra en veille en permanence n’a pas d’intérêt d’être connecté à internet H24, idem pour une prise connectée dans un coin qui sert plus comme prise standard que comme appareils connectés, débrancher un écho qui ne sert que la semaine ou que le week-end, se désabonner des spams…) car les petits ruisseaux font les grands torrents. Mais il est aussi nécessaire que les intervenants majeurs du secteur puissent s’intéresser au sujet.
Et il existe des initiatives intéressantes. Ainsi, selon Greenpeace, en 2013, Facebook, Apple et Google ont été les premiers à s’engager pour un internet carburant à 100% par les énergies renouvelables et elles seraient maintenant plus de 20 entreprises (dont des acteurs dans le secteur du Cloud). Comment ? En mettant en service des fermes solaires ou en utilisant l’environnement immédiat de datacenters pour les refroidir (températures glaciales, eau à profusion…). Mais cela ne concerne que des entreprises US pour la plupart et pas, ou très peu, l’Asie qui carbure beaucoup au charbon et au fioul (à noter que les centrales à charbon sont aussi légions aux USA). Le charbon produits 50 fois plus de CO2 que les autres énergies fossiles !
Impact environnemental via leur mode de production
Nous venons de voir l’impact énergétique de l’utilisation des assistants et produits connectées, qui est en grande partie lié à l’utilisation d’internet. Mais ce n’est pas tout, loin de là. Le second impact environnemental que nous allons développer est presque pire car peu médiatisé. C’est celui des ressources et en particulier les métaux rares (minéraux et terres rares).
Que sont-ils ? ce sont des métaux présents dans la croûte terrestre mais en moindre quantité que les métaux abondants comme le fer, l’aluminium… Ils sont mélangés avec ces métaux dans des proportions très variables
Selon Guillaume Pitron, il y a 25000 fois moins de gallium que de cuivre et les procédés d’extractions sont assez destructeurs. Ces métaux rares sont devenus des enjeux économiques et politiques stratégiques. Pourquoi ? Car ils sont l’élément central de tous nos appareils électroniques. Des exemples ? Une batterie contient du Lithium et du Cobalt, entre autres. L’électronique va contenir du Tantale, du Dysprosium, de l’Antimoine, du Néodyme… Et celui qui a la main mise sur ces métaux a la main mise sur l’économie, la technologie et la croissance de ses voisins. Et comme la demande en produits technologiques est croissante, les prix explosent (x180 pour certains métaux), les ressources ne sont pas extensibles et des guerres font rages.
En quoi ces métaux rares ont un impact écologique ? Tout le monde a en tête l’orpaillage avec des zones totalement détruites pour creuser la terre, de grandes quantités d’eau utilisées pour un premier tri et l’utilisation de produits toxiques comme le mercure et le cyanure pour extraire l’or du minerai broyé en fonction des types d’extractions. Sympa comme cocktail non ?
Hé bien, imaginez la même chose mais à des échelles énormes. Il est nécessaire d’extraire des dizaines de milliers de tonnes de roches pour venir extraire quelques tonnes (dans le meilleur des cas) de métal rare, de les charrier avec de l’eau et de les traiter avec d’énormes quantités de produits chimiques polluants et toxiques. Donc nous avons des catastrophes environnementales et sanitaires totalement passées sous silence comme le démontre le livre « La guerre des métaux rares ». Des zones entières sont devenues stériles et leurs habitants empoisonnés et condamnés.
Ce qui est insidieux, c’est que cette pollution à laquelle chacun d’entre nous participe, est délocalisée, comme l’explique M. Pitron. Les extractions, trop destructrices et polluantes pour certaines, ont été arrêtées dans la plupart des pays développés. Puis ce fût le tour de leur raffinage, bien trop polluant, qui a été sous-traité à des pays comme la Chine. Au final, des filières entières sont maintenant gérées par un seul et même pays qui va acheter les mines et traiter les produits chez lui ou le faire faire dans des pays plus regardant à l’entrée d’argent qu’à l’environnement ou la sécurité. Et cela donne un avantage énorme au niveau politique : un voisin vous embête ? Coupez le robinet de terres rares et votre charmant voisin ne pourra plus fabriquer d’armement, entre autres…
« Oui, mais si on compense en passant aux énergies vertes, ça peut limiter l’impact ! » vous dites-vous plein d’espoir et de naïveté.
Nous : Une question : les énergies vertes consistent en quoi ?
Vous : ben… éolien et solaire pour la grande majorité…
Nous : c’est ça. Et il faut quoi pour convertir l’énergique mécanique du vent en électricité ?
Vous : des transformateurs, des aimants en terres rares pour qu’ils fonctionnent…
Nous : et pour l’énergie solaire ?
Vous : des panneaux solaires, avec des cellules photosensibles, des système électroni… oups…
Nous : hé oui…
Hé oui ! Les énergies vertes de chez nous sont les énergies noires d’ailleurs. On ne fait que déplacer la pollution en amont afin de fabriquer ces matériels de plus en plus sophistiqués mais utilisant de plus en plus de terres rares ! Juste un exemple, celui de de la voiture électrique, pris dans l’ouvrage déjà cité. La fabrication d’une voiture électrique demande une consommation énergétique plus importante que celle d’un véhicule normal. Si cela est compensé par la suite, OK. A l’heure actuelle c’est presque le cas avec 25% d’émission de moins, au total, sur la vie de la voiture (incluant le recyclage). Mais avec l’augmentation des autonomies, donc des batteries plus puissantes, la courbe va s’inverser et cela ne sera plus viable. Une voiture électrique, même si elle n’émettra pas de gaz à effet de serre pendant son utilisation sera moins écologique qu’une voiture standard dès qu’on intègre sa production et son recyclage…
Car oui, l’autre impact écologique est le recyclage de ces appareils connectés. Sur le papier, chacun paie une écotaxe ayant pour but de financer le recyclage des appareils. Mais là encore, un bien beau tableau qui est loin d’être si vert. La très grande majorité des métaux rares ne sont pas recyclés ou recyclable à l’heure actuelle. Ces métaux sont en plus rarement seul mais sous forme d’alliage et quasiment impossible à recycler. Quand cela est possible, il faut utiliser les mêmes produits chimiques nécessaire à leur séparation… et donc polluants. Sans parler des filières vérolées, notre matériel informatique n’est peu ou pas recyclable ou recyclé pour une partie de ses composants.
Il n’y a donc pas de solution ? Si bien sûr, mais cela passe par le consommateur que nous sommes et par les fabricants. En tant que consommateurs, la course au toujours mieux, toujours plus et toujours plus neuf n’est pas la meilleure option au niveau environnemental. Mais pour cela, nous devrions être aidés par les fabricants afin qu’ils mettent sur le marché des produits sans obsolescence programmée et qui peuvent être réparés en gardant des pièces détachées, mettre des batteries amovibles ou autres. Quand on vous dit que votre fabricant de lave-vaisselle s’engage à avoir des pièces détachées pendant 3 ans, il y a de quoi laver la vaisselle à la main !
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