Certaines en ont déjà changé, d’autres demandent à le récupérer. Elles s’appellent Alexa et reprochent à Amazon d’avoir donné leur prénom à son assistante vocale. Dans une longue enquête publiée vendredi dernier dans les colonnes du Washington Post, dont le propriétaire n’est autre que Jeff Bezos, la journaliste Alexa Julianna Ard se fait l’écho de ses homonymes et relate les difficultés rencontrées au quotidien par celles qui portent le prénom probablement le plus prononcé au monde.
Le prénom Alexa de moins en moins donné aux États-Unis
Très populaire depuis que Billy Joel et Christie Brinkley l’ont choisi pour leur fille en 1985, le prénom Alexa est aujourd’hui porté par plus de 130 000 personnes aux États-Unis selon les données de la Social Security Administration. Une popularité qui, cependant, a fortement décliné depuis la commercialisation de l’assistante vocale d’Amazon il y a sept ans.
En effet, alors qu’il était donné à plus de 6 000 petites filles en 2015 aux États-Unis, seuls 1 300 enfants l’ont reçu en 2020. Une baisse vertigineuse qui semble liée au développement tout aussi impressionnant d’Amazon Alexa, l’assistante vocale dominant très largement le marché américain. Une popularité qui n’est pas sans poser de problèmes à ses homonymes qui commencent, pour certaines en tout cas, à voir un peu rouge…
Elles demandent à Amazon de pouvoir récupérer leur prénom
En effet, si une poignée ne se font plus appeller Alexa au grand désarroi de leurs parents, d’autres préfèrent quand-même utiliser leur second prénom, une minorité allant jusqu’à demander à Amazon de tout simplement renommer son assistante vocale. En cause, les plaisanteries et railleries dont elles sont victimes au quotidien, qui parfois iraient même jusqu’au harcèlement sexuel…
Bien au fait de ce problème, Alexa Julianna Ard, journaliste au Washington Post, a interrogé plus de vingt-cinq femmes et filles âgées de 5 à 55 ans prénommées comme elle afin de voir comment l’assistante vocale avait modifié leurs sentiments à propos de leur prénom et de leur identité.
« Quand j’entends mon nom maintenant, ce ne sont pas de bonnes pensées, c’est comme une tension » lui a ainsi confié Alexa Morales, 28 ans, technicienne en pharmacie. Alexa Rae Caves, esthéticienne ayant participé à ‘The Bachelor’, relate qu’après son élimination de l’émission de télévision l’un des tweets les plus populaires sur le sujet n’était autre que « Dieu merci, Alexa est rentrée à la maison pour que mon Amazon Echo puisse se détendre. »
« J’ai entendu toutes les blagues à ce stade. Quelqu’un a décidé que c’était drôle au travail de m’appeler simplement Siri. » Alexa Smith
Alexa García, une étudiante vivant à Puebla au Mexique, a découvert les premières déconvenues liées à son prénom pendant la pandémie de Covid-19. Forcée de suivre ses cours par visioconférence, elle se rend rapidement compte que son professeur de politique possède un appareil Amazon Echo qui, logiquement, se déclenche dès que son prénom est prononcé. Un événement qui ne manque pas d’attirer l’attention sur la jeune étudiante et de provoquer les rires de ses camarades. Ne sachant visiblement pas comment modifier le mot d’éveil de son enceinte connectée, son professeur préféra dès lors l’appeler « Alé », non sans un petit sourire aux lèvres.
« Je n’aime pas quand ils changent mon nom » explique la jeune Mexicaine avant d’ajouter « je ne me sens pas respectée ». Ce que confirme Alexa Smith, qui pensait pourtant « avoir déjà entendu toutes les blagues à ce stade », jusqu’au jour où l’un de ses collaborateurs l’appela tout simplement Siri. « Un robot ou un autre, ça n’est finalement pas si important » s’expliqua-t-il.
L’auteure de l’article confirme, précisant avoir « également vécu des rencontres inconfortables après qu’Amazon ait fait du nom un mot d’éveil, notamment en recevant des commandes« comme si elle était un robot. « Il y a presque deux ans, j’ai commencé à me présenter en dehors du travail et de la famille par mon deuxième prénom, Juliana » ajoute-t-elle.
Alexa Morales, qui travaille dans un hôpital doté d’enceintes Amazon Echo, a pour sa part carrément arrêté de faire ses achats sur la plateforme du géant du e-commerce. « Je ne peux même plus regarder les trucs d’Amazon sans vouloir renverser le paquet » explique-t-elle, confiant ne pas parvenir à comprendre comment l’entreprise de Jeff Bezos a pu choisir son prénom pour son assistant vocal.
« C’était comme si vous aviez tellement d’argent et tellement de gens qui travaillent pour vous et que pas une seule personne ne pense à dire : ‘Écoutez, Alexa est un nom que les gens utilisent’… » Pour elle, comme pour d’autres, Amazon devrait donc tout simplement changer de nom pour son assistante vocale…
Amazon ne souhaite pas changer le nom d’Alexa
Amazon ne souhaite évidemment pas changer le nom de son assistante, expliquant qu’il fait référence à la bibliothèque d’Alexandrie et « reflète la profondeur des connaissances d’Alexa » selon Lauren Raemhild. « Lors du choix d’un mot d’éveil, nous avons pris en compte à la fois les caractéristiques techniques du point de vue de la reconnaissance vocale et les commentaires des clients » ajoute la responsable des relations publiques de l’entreprise dans un communiqué.
Un changement qui serait d’ailleurs une grosse erreur marketing, de nombreux utilisateurs relatant avoir justement choisi Alexa plutôt que son concurrent Google Assistant car ils préfèrent utiliser un prénom plutôt que le nom d’une société. « Ce ne serait pas une mauvaise idée de renommer Alexa en Astro » juge Ahmed Bouzid, CEO de Witlingo et ancien chef de produit Amazon Echo, l’entreprise venant de lancer nouveau robot qui répond au nom d’Amazon Astro.
Mais l’entreprise peut-elle vraiment être tenue pour responsable? Pour Alexa S. une utilisatrice française dont nous avons recueilli le témoignage, la réponse est non. « Si quelqu’un me fait un jour une plaisanterie de ce genre, je peux vous dire qu’il comprendra vite son erreur. De toute façon, il y a des noms de famille bien pires et les gens vivent avec malgré tout. On ne peut rien contre la stupidité de certains, ils trouveront toujours autre chose ! » Une fausse polémique donc, pour cette utilisatrice qui concède tout de même avoir changé de mot d’éveil dès la réception de son premier Echo Dot 4. « Nous avons quand-même changé pour Echo à la maison, sinon ça n’aurait pas été très pratique pour mon mari ».
Un argument d’ailleurs mis en avant par Amazon qui précise que « comme alternative à Alexa, nous proposons plusieurs autres mots de réveil parmi lesquels les clients peuvent choisir, notamment Echo, Computer, Amazon et Ziggy. » Ce dernier prénom, qui va de paire avec la nouvelle voix masculine de l’assistant vocal, pourrait d’ailleurs également poser problème… Mais peut-on vraiment reprocher à Amazon la bêtise humaine?